Pour présenter la figure de St Paul, je voudrais commencer par vous présenter deux photos de Paul. La première est une statue située devant la basilique de St Paul-hors-les-murs à Rome. On y voit un Paul en majesté, muni du glaive et du livre. Ce sont le glaive de la parole de Dieu (Eph 6, 17) et le livre des Ecritures, de l’Ancien Testament.C’est un Paul majestueux, le glaive dressé, prêt au combat. La figure de Paul est ici une figure de pouvoir. Pouvoir de la connaissance qu’il a acquise par son étude très poussée de la tradition juive et de tout l’Ancien Testament. Pouvoir dans l’action comme le symbolise son épée levée comme si l’apôtre allait s’en servir.
Voici la seconde photo qui représente une peinture de Rembrandt. Paul est en captivité, il a vieilli, il a l’air pensif. Son épée et ses livres sont remisés de côté sur le lit, et il écrit à l’une de ses communautés. Il est partiellement déchaussé comme le fils prodigue peint par le même Rembrandt, ce qui semble signifier dans les codes artistiques du 17ème siècle, l’attitude d’adoration prêtée aux anges (cf épisode du buisson ardent).
Le contraste entre ces deux images est significatif de St Paul et de tout son itinéraire.
Cet itinéraire commence à Tarse, en Cilicie, c’est-à-dire dans le territoire actuel de la Turquie. Paul y est né à une date indéterminée, sans doute quelques années après le Christ. Il est juif, pharisien, membre d’une famille de la classe moyenne, au sein d’une ville où la communauté juive est importante. Paul avait appris le métier de tisserand. Il était aussi citoyen romain, privilège dont il va se servir pour éviter le châtiment en demandant d’abord à comparaître en jugement, dans les Actes des apôtres (Ac 22, 25-29). Il va ensuite mettre en avant sa citoyenneté pour demander à être jugé par César lui-même, ce qui lui sera accordé (Ac 25, 11-12), et qui le conduira vers Rome où il va mourir martyr.
L’itinéraire spirituel ou intérieur de Paul est résolument un chemin d’adoucissement et d’appauvrissement. Il faut reconnaître qu’en la matière, le personnage avait beaucoup de progrès à faire. Lorsqu’il fait son apparition sur la scène biblique, c’est en persécuteur des chrétiens, au chapitre huit des Actes des apôtres, au moment de la lapidation d’Etienne. A l’image de sa conversion qu’il va vivre sur le chemin de Damas, son itinéraire missionnaire est un chemin vers le bas. Sur le chemin de Damas, il tombe à terre (et non pas de cheval comme on le représente parfois). Devant l’aréopage des philosophes grecs, dans les Actes des apôtres, son évangélisation est un échec (on le traite de perroquet Ac 17, 18). Lorsqu’il veut exhiber ses titres de gloire, il énumère les coups de bâtons reçus, ses jeûnes, sa fatigue, sa lapidation etc… Cette descente se retrouve jusque dans le choix de son prénom qui de Shaoul qui signifie désiré, devient le nom latin Paulus, qui signifie petit.
Le secret de Paul, c’est de descendre pour mieux se retrouver dans les mains de Dieu, ce que lui-même résume dans une formule théologique célèbre qu’il met dans la bouche du Christ : « ma puissance se déploie dans la faiblesse » 2 Co 12, 9.
Ainsi le Shaoul que nous découvrons au début des Actes des apôtres sème la terreur parmi les chrétiens. Puis il devient « Paul », personnage attachant, Père dans la foi de nombreux chrétiens. Pour s’en convaincre, il faut relire son discours d’adieu aux Ephésiens dans les Actes des apôtres qui se conclut en ces termes : « quand Paul eut ainsi parlé, il se mit à genoux et il pria avec eux tous. Ils se mirent tous à pleurer, ils se jetaient au cou de Paul pour l’embrasser. Ce qui les attristait le plus, c’est la parole qu’il avait dite : « Vous ne verrez plus mon visage ». Puis on l’accompagne jusqu’au bateau » Ac 20, 36-38.
Chronologie de saint Paul
34-36 : « Les années obscures » : conversion à Damas, mission à Antioche
- Evènement de Damas : conversion au Christ Jésus (vers 34) ; activité missionnaire en « Arabie » ;
- Première montée à Jérusalem (Ga1,18) pour faire la connaissance de Pierre (37) ;
- Séjour en Syrie – Cilicie : Tarse, Antioche ;
- Rayonnement dans les régions environnantes (: Chypre et bassin nordest de la Méditerranée) avec Barnabé, d’après le récit d’Ac 1314 : « Premier voyage missionnaire ».
46-51 : Période fondatrice : elle a son apogée à Corinthe (50-51)
« Deuxième voyage missionnaire » (Ac 15,36 18,22).
- Paul (avec Silas et Timothée) fonde des Eglises : dans la région galate (région d’Ancyre aujourd’hui Ankara) ; en Macédoine (Philippines, Thessalonique) ; et en Grèce (échec à Athènes, succès à Corinthe).
- De cette période date la Première épître aux Thessaloniciens (50-51).
- Deuxième montée à Jérusalem (5152) pour la « conférence » avec Pierre, Jacques et Jean.
53-56 : Période éphésienne
« Troisième voyage missionnaire » (Ac 18,23 – 20,1).
- Paul s’installe à Ephèse, trois ans. Succès et épreuves.
- Correspondance avec les Corinthiens, les Galates, les Philippiens, Philémon ;
- Organisation de « la collecte » pour l’EgliseMère de Jérusalem.
- A la fin, bref séjour à Corinthe : épître aux Romains.
- Troisième montée à Jérusalem pour porter la collecte (56-57).
57-59 et 60-62 : Les périodes de captivité
- Arrestation à Jérusalem et transfert à Césarée (57-59) ;
- Appel à César et transfert à Rome (« première captivité romaine »), 60-62 ;
- De cette première captivité dateraient les « épîtres (dites) de la captivité » : Colossiens, Ephésiens ;
- De la seconde captivité romaine : les pastorales : Timothée, Tite.
- Le martyre de Paul eut lieu à Rome, sous Néron, entre 62 et 67.
Extrait de Saint Paul, collection « Tout simplement »,
éd. Atelier, p. 24-25, Paul Bony.
Les conditions de voyage du temps de Paul
Les deux moyens de transports fréquemment utilisés au temps de l’apôtre sont la marche à pied et le bateau.
N’oublions pas que Paul était originaire de Tarse ville florissante à l’époque de l’antiquité, traversée par un fleuve, le Cydnus, et muni d’un port. La spécialité de la ville est la fabrication du tissu, le cilice (qui tire son nom de la province où se situe Tarse : la Cilicie). La ville est dynamique, l’activité économique y est importante et elle jouit en outre d’une production culturelle et intellectuelle non négligeable. Toute cette vitalité suscite l’échange, la communication, et donc les voyages. C’est au sein de cette cité que Paul a grandi, et la perspective des déplacements, même lointain, a pu lui paraître très tôt assez familière. D’après les actes des apôtres (Ac 22, 3), Paul avait suivi l’enseignement du rabbin Gamaliel à Jérusalem. Assez tôt dans sa vie, Paul a donc dû quitter le foyer familial pour se rendre à Jérusalem et y effectuer des séjours prolongés.
La voie maritime
Le transport par bateau est assez développé à l’époque de Paul. Des lignes régulières existent déjà à des fins de transport de marchandises, sur lesquelles il est toujours possible d’embarquer comme voyageur. Dans un ouvrage accessible via le web, Régis Burnet décrit bien les conditions de ces voyages. Les navires ne s’éloignent guère des côtes par mesure de sécurité et cheminent presque en cabotage. La vie à bord est très codifiée. Les voies maritimes ne sont pas toujours ouvertes. Ainsi il est déconseillé de prendre la mer en hiver. Malgré ces précautions, les voyageurs n’étaient pas à l’abri de brigands, de naufrages dus à la négligence des marins ou à l’excès de marchandises, et lorsqu’ils surmontaient tous ces maux, la nausée pouvait venir à bout des voyageurs.
La voie pédestre
Elle fut sans doute le moyen de transport de Paul chaque fois que celui-ci n’était pas en mer. Sur la terre ferme, le trajet réservait lui aussi bien des péripéties. Bandits de grands chemins, itinéraires et routes mal tracés, animaux sauvages et autres embuches pouvaient rendre les voyages périlleux. Pour le voyageur de l’antiquité, la garantie la plus solide d’arriver à bon bord était encore de ne pas se déplacer seul. Le milieu d’origine de Paul et la connaissance des voies commerciales empruntées par les marchands de tissus qui approvisionnaient Tarse, ont pu l’aider à se joindre à l’une ou l’autre de ces caravanes qui parcouraient le bassin méditerranéen. Sur ce point encore, on pourra se reporter avec profit à l’étude de Régis Burnet.
Les voyages de Paul
Pour plus de détails : . http://pauldetarse.free.fr/Paul.pdf
Matériel d’écriture
Un texte de l’anthologie palatine (recueil de poèmes grecs) décrit le matériel nécessaire à l’écrivain que celui-ci remet à une muse au soir de sa vie : « un plomb qui n’a pas besoin d’encre pour tracer sans dévier le chemin sur lequel se plante la régularité de l’écriture, une rège pour guider la marche de ce disque de plomb, un pierre poreuse semblable à une éponge, un récipient d’encre indélébile puis des roseaux pointus au bec noirci, instrument du calligraphe, une éponge, rejeton de l’onde salée, végétation de la mer fluide, enfin le fer qui façonne les roseaux légers : voilà ce que Calliménès a consacré aux muses souriantes, maintenant que la vieillesse a fatigué ses yeux et sa main. »
On retrouve dans ce poème la panoplie nécessaire pour écrire au temps de l’Antiquité : une pierre ponce (la pierre poreuse semblable à une éponge) qui servait à préparer le support, parchemin ou papyrus ; une mine de plomb et une règle qui servaient à tracer des lignes, de l’encre composée de suie dissoute dans de l’eau de gomme, une éponge qui jouait le rôle de gomme pour effacer l’encre encore humide, des roseaux taillés en biseau et un canif.
L’usage d’un secrétaire, professionnel de l’écriture, était une chose courante dans l’Antiquité et il est quasiment certain que Paul lui-même ait fait appel à l’un d’entre eux, notamment pour rédiger l’épître aux Romains puisqu’on lit en Rm 22, 16 « je vous salue dans le Seigneur, moi Tertius, qui ait écrit cette lettre ».
Il existait trois cas de figure : soit le client dictait son texte au scribe qui prenait des notes à la volée. Soit le scribe maitrisait la tachygraphie, technique de prise de note simplifiée pour ne pas ralentir la diction ; l’ancêtre de la sténographie. Soit encore le client laissait au rédacteur le soin de composer la lettre à partir de quelques idées.
Comment Paul a-t-il procédé ? Difficile à dire, mais on sait en tout cas que plusieurs semaines auraient été nécessaires pour rédiger la lettre aux Romains si Paul avait utilisé la méthode syllabe par syllabe, compte tenu des difficultés de l’écriture sur les roseaux et de la longueur de la lettre.